Interview Marché de l’énergie , Énergies renouvelables

Ne négligeons pas l’éolien!

Quelques éclaircissements

02.02.2021

L’émission Temps présent du 3 décembre 2020 pourrait avoir répandu une idée peu flatteuse de l’éolien. Or, au fur et à mesure de l’arrêt des centrales nucléaires, l’énergie éolienne deviendra essentielle en hiver pour couvrir les besoins énergétiques et réduire les importations d’une électricité pas toujours verte. Lionel Perret, directeur de Suisse Eole, précise certains points.

Lionel Perret
Lionel Perret
Bulletin: Selon vous, chaque franc que nous investissons dans l’éolien évite d’en investir cinq dans des moyens de stockage. Pourriez-vous en dire plus?

Lionel Perret: En hiver, lorsque le solaire et l’hydraulique produisent le moins et que la demande est la plus importante, l’éolien génère deux tiers de sa production annuelle. Il constitue donc un pilier de notre approvisionnement en électricité. Pour réduire notre dépendance vis-à-vis de l’étranger, nous nous devons de développer toutes les énergies renouvelables. Toutefois, produire plus d’électricité solaire pendant la saison chaude, puis la stocker pour l’hiver, reviendrait au moins cinq fois plus cher que de produire du courant éolien. Le «Plan éolien pour le climat» démontre qu’environ 1000 éoliennes d’une puissance totale de 4,5 GW remplacent 15 GW de photovoltaïque, 16 GW d’électrolyse de l’eau et 7 TWh de stockage sous forme d’hydrogène!

L’éolien suisse n’est-il pas trop cher?

En Suisse, le marché éolien se trouve encore dans une dynamique de lancement telle que celle observée dans d’autres pays pour les premiers 100 à 200 MW installés. Dans cette phase, des coûts plus élevés sont généralement constatés, puisque le cadre légal entourant l’énergie éolienne est en cours de développement et que des économies d’échelle sont encore difficilement réalisables. En particulier, la longueur des procédures et les nombreuses études requises lors de la planification augmentent considérablement les coûts. À moyen terme, certaines considérations économiques qui s’appliquent déjà aux niveaux mondial et européen devraient également être valables pour la Suisse. L’éolien est non seulement la technologie la plus durable, mais aussi la moins onéreuse au niveau mondial.

Mais y a-t-il assez de vent en Suisse?

Bien sûr! Les Atlas des vents suisse et européen l’attestent. D’ailleurs, il existe quelque 7000 éoliennes produisant de l’électricité dans les régions limitrophes de la Suisse. Ces vents ne s’arrêtent pas aux frontières! Le potentiel éolien durablement réalisable en Suisse s’élève à 30 TWh/an (voir le tableau 1 de l'article «Faire d’une pierre trois coups»). Il a significativement augmenté avec les évolutions techniques et la meilleure connaissance des conditions de vents à haute altitude. Suisse Eole a pu déterminer que l’utilisation de 30% de ce potentiel sera nécessaire: un objectif de 9 TWh d’énergie éolienne pour la Suisse en 2050 est réaliste, et atteignable avec 1000 éoliennes. Un objectif loin d’être audacieux puisque ce nombre a été atteint en Autriche en 2015 déjà.

Les éoliennes seront-elles surtout ­installées sur les crêtes du Jura?

Sur le Plateau, dans les vallées avec des vents thermiques, dans le Jura: toutes les régions disposent de conditions de vent favorables. La complémentarité des régimes des vents dans ces différentes régions permet de disposer d’une production éolienne en permanence. Du courant éolien est déjà injecté dans le réseau en tout temps et est aussi produit en Suisse quand il y a moins de vent dans les autres pays européens, comme Windvar, une étude de l’ETHZ, l’a démontré. Et contrairement à celle produite à l’étranger, l’électricité éolienne générée en Suisse est directement injectée dans notre réseau et nous appartient vraiment.

Les énergies renouvelables seront-elles à même de remplacer le nucléaire et les énergies fossiles?

C’est à la fois absolument nécessaire et possible si nous développons principalement le solaire et l’éolien tout en misant sur l’efficacité énergétique. De plus, l’électricité est beaucoup plus efficace que les énergies fossiles: dans la pratique, le moteur à essence a un rendement compris entre 15% et 27%, alors qu’une voiture électrique présente un rendement de plus de 90% et peut être propulsée avec de l’électricité locale. Une pompe à chaleur est également beaucoup plus efficace que le mazout et le gaz: elle peut générer jusqu’à 4 kWh de chaleur avec 1 kWh d’électricité. En combinant le courant solaire, éolien et hydraulique, nous pouvons nous approvisionner en électricité locale sans émissions de CO2. En Suisse, nous dépensons environ 1 milliard de francs par mois pour des importations d’énergies fossiles. Il est grand temps d’exploiter nos propres énergies!

 

Auteure
Anita Niederhäusern

est chargée de la communication externe de Suisse Eole.

  • Suisse Eole
    1400 Yverdon-
    les-Bains

En quelques mots

Lionel Perret est directeur associé de Planair et responsable du secteur Énergies renouvelables et innovation. Il est aussi directeur de Suisse Eole, l’association pour la promotion de l’énergie éolienne en Suisse.

  • Suisse Eole / Planair
    1400 Yverdon-les-Bains

Commentaire

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