Article Énergies renouvelables

Les panneaux solaires blancs

Une révolution pour l’intégration architecturale

04.01.2017

Il n’y a pas que les toits qui soient en mesure de produire de l’énergie. Les façades en sont également capables, et ce, de plus en plus souvent. Bien que l’on n’en soit pas encore à transformer ces dernières en centrales électriques, on progresse néanmoins dans l’acceptation de recourir à ces surfaces inutilisées pour produire du courant et de la chaleur. En réalisant ses premiers modules solaires blancs et colorés, le CSEM a prouvé qu’il était possible de satisfaire simultanément les critères de rendements, ainsi que les exigences esthétiques.

L’énergie photovoltaïque (PV) est de moins en moins affaire de choix : elle 
est aujourd’hui indispensable pour construire des bâtiments dits à basse consommation d’énergie ou à énergie positive. Les récentes décisions politiques, telles que le «Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC) 2014» [1], vont obliger l’intégration de photovoltaïque dans toutes nouvelles constructions et également dans les projets de rénovation. Dans un proche avenir, l’intégration de l’énergie solaire dans le bâtiment pour la production d’électricité ne sera donc plus une option, mais bel et bien une obligation.

Un module solaire comme élément de construction

Les surfaces de toiture des immeubles ne permettent pas aujourd’hui de couvrir les besoins en énergie des habitants, notamment en raison de la résistance rencontrée tant dans les milieux de la protection des sites qu’auprès des professionnels de la construction. Dans ce contexte, utiliser les façades comme source productrice d’énergie apparaît de plus en plus favorable. Elles offrent en effet des surfaces supplémentaires pour produire du courant et de la chaleur.

Mais le constat est à l’heure actuelle désolant : le marché photovoltaïque manque cruellement de produits conçus spécialement pour l’intégration architecturale (BIPV – Building Integrated Photovoltaics). Et ce, alors qu’il est aujourd’hui acquis que les défis énergétiques de demain ne pourront être résolus qu’avec un recours massif aux énergies renouvelables, énergies parmi lesquelles le solaire occupe un rôle tout à fait crucial.

Argument principal invoqué par les architectes et maîtres d’œuvre ? Le manque certain d’esthétisme des solutions photovoltaïques proposées. Généralement de couleur bleu-noir, les panneaux solaires se présentent majoritairement sous la forme d’un ajout peu discret sur un toit, visible loin à la ronde. Construites pour maximiser l’absorption des rayons du soleil, les surfaces produisent bien de l’énergie, effort louable, mais seulement en sacrifiant toute considération architecturale. De plus, les composants des panneaux solaires, c’est-à-dire les cellules et les connecteurs intérieurs, restent bien visibles, rendant leur utilisation par les professionnels du bâtiment encore plus improbable.

Renforcer l’esthétisme

Les architectes et maîtres d’ouvrage demandent donc depuis des décennies des solutions pour personnaliser la couleur des éléments photovoltaïques et en faciliter ainsi l’intégration à leurs bâtiments. Dans ce contexte, le blanc est la couleur la plus recherchée en raison de son élégance, de sa polyvalence et de sa fraîcheur ; mais toutes les autres couleurs du spectre sont également intéressantes et susceptibles de séduire les propriétaires de bâtiments, existants ou à construire.

Il faut cependant savoir que le blanc est la couleur qui reflète (traduisez : rejette) la majorité de la lumière, une propriété totalement contraire à ce que l’on souhaite d’un panneau solaire standard. Malgré la forte demande des milieux de la construction, personne n’avait été en mesure jusqu’ici de réaliser un module parfaitement blanc.

Un élément de façade 
blanc actif

Le centre de photovoltaïque du CSEM (PV-center) a présenté en 2014 et en première mondiale les premiers panneaux solaires blancs (figure 1) dotés de rendements de conversion supérieurs à 10% : un développement qui a inauguré une ère nouvelle dans l’intégration des capteurs photovoltaïques dans le paysage urbain. Réalisés grâce à une technologie révolutionnaire qui permet, en plus du blanc, toutes les nuances de couleur, les panneaux pourront être totalement intégrés aux bâtiments et s’établir comme sources d’énergie discrètes et efficaces.

Les scientifiques du CSEM ont en effet développé une technologie qui permet la réalisation de modules solaires d’aspect uniforme, sans cellules ni connecteurs apparents. Le principe de la technologie repose sur deux éléments :

  • d’une part, une cellule solaire spécialement sensible à la lumière infrarouge qu’elle va convertir en électricité ;
  • et, d’autre part, un film nanotechnologique qui a la propriété de laisser passer la lumière infrarouge et de réfléchir l’ensemble du spectre visible.


Il devient ainsi possible de fabriquer des modules de couleur blanche, ou de toute autre nuance de couleur, à partir de modules solaires standard en silicium cristallin.

Une technologie d’une grande flexibilité

La technologie développée peut être appliquée aussi aisément sur un module existant qu’intégrée à un nouveau module pendant son assemblage. Au-delà du domaine de l’architecture durable, des applications pour des produits de grande consommation, comme des ordinateurs portables ou des voitures, peuvent même être envisagées.

L’innovation de cette nouvelle technologie réside dans le film qui s’applique et se lamine sur la surface avant extérieure d’un module PV en silicium cristallin standard (figure 2). Le module PV blanc combine deux éléments essentiels :

  • une technologie de cellules solaires capables de convertir la lumière infrarouge en électricité ;
  • un filtre de diffusion sélective qui réfléchit le spectre visible tout en transmettant la lumière infrarouge.

Les cellules solaires cristallines sont bien adaptées à cette application, puisque plus de 50% du courant généré sous illumination solaire standard provient de l’infrarouge. Le filtre sélectif diffusant est constitué d’un filtre à interférence résultant en un miroir froid (multicouches ayant des indices de réfraction bas et hauts réfléchissant la lumière visible du spectre et transmettant la lumière infrarouge). Basées sur la même technologie de filtre, d’autres couleurs que le blanc peuvent être produites en ajoutant des pigments sélectifs absorbants.

Comme le montre le tableau 1, un rendement de 11,4% a été obtenu pour un module solaire blanc d’une taille de 55 cm  x  60 cm composé de 9 cellules solaires dites à hétérojonction interconnectées en série. La perte d’efficacité, à savoir la comparaison de cellules de la même technologie dotées ou non du film blanc, est de 40%. Cette perte d’efficacité du module solaire initial est entièrement due à des pertes de courant car la plupart de la lumière visible est réfléchie et donc perdue pour la génération d’électricité proprement dite. En contrepartie, le module PV blanc obtenu présente un aspect blanc très homogène et très esthétique puisque les cellules et les connexions électriques ne sont plus du tout visibles.

Économies d’énergie

Autre avantage de l’utilisation de la couleur blanche : au soleil, une surface blanche ne chauffe pas autant qu’un module de couleur foncée. En effet, la lumière visible réfléchie ne produit pas de chaleur, ce qui permet à un tel panneau de travailler à des températures d’environ 10 °C plus basses qu’un module solaire standard. Ces températures plus basses permettent de réduire les besoins en air conditionné, ce qui représente des économies d’énergie à l’échelle du bâtiment. Aux États-Unis, certaines villes ont commencé à peindre les toits de leurs buildings en blanc pour bénéficier de ces réductions d’énergie. Pas impossible qu’un jour l’on envisage l’installation à grande échelle de modules solaires blancs pour atteindre le même effet. Enfin, moins d’échauffement pour un module blanc signifie qu’il est possible de l’intégrer directement dans l’enveloppe du bâtiment, sans ventilation.

Transfert technologique

Le CSEM est un centre de recherche et de développement (partenariat public-privé) spécialisé dans les microtechnologies, les nanotechnologies, la microélectronique, l’ingénierie des systèmes, le photovoltaïque et les technologies de l’information. Fidèle à sa mission de transfert technologique, il a accompagné depuis début 2015 la start-up Solaxess, fondée à Neuchâtel, dans le but de fabriquer et de commercialiser le film blanc (ou de couleur) qui sera vendu aux fabricants de modules photovoltaïques. En collaboration étroite, les deux entreprises ont porté la technologie à maturité et préparé les dispositions nécessaires à son industrialisation. Les premiers produits sont attendus pour début 2016.

Référence

[1] Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie (EnDK) et Conférence des services cantonaux de l’énergie (EnFK) : Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC). Version française, édition 2014. www.endk.ch/media/archive1/
energiepolitik_der_kantone/muken/MoPEC2014_f20150109.pdf

Auteure
Dr Laure-Emmanuelle Perret-Aebi

est à la tête du secteur «Modules et systèmes» du CSEM.

  • CSEM SA
    2002 Neuchâtel
Auteur
Dr Jordi Escarré Palou

est ingénieur R&D dans le secteur «Modules et systèmes».

  • CSEM SA
    2002 Neuchâtel
Auteur
Gianluca Cattaneo

est ingénieur R&D dans le secteur «Modules et systèmes».

  • CSEM SA
    2002 Neuchâtel
Auteur
Patrick Heinstein

est ingénieur R&D senior dans le design et l’architecture du photovoltaïque.

  • CSEM SA
    2002 Neuchâtel
Auteur
Prof. Christophe Ballif

est directeur de l’activité photovoltaïque.

  • CSEM SA
    2002 Neuchâtel

Commentaire

Jean racamier,

C'est génial. Vous oubliez de parler de l'albedo. Super solution. Bravo

Quelle est la somme de 9 et 8 ?