Article Efficacité énergétique , IT pour EAE

Conseil en énergie assisté par ordinateur

Conjonction du smart metering et du machine learning

04.01.2017

L’expérience a montré que les personnes qui ont recours à un service de conseil en énergie peuvent souvent réduire considérablement leur consommation et donc les frais correspondants. Mais comment les conseillers énergétiques parviennent-ils à identifier les foyers dont la consommation énergétique est inutilement élevée ? Les chercheurs de l’ETHZ et de l’Université de Bamberg appliquent un algorithme qui évalue les données des compteurs électriques. Cette méthode permet de prodiguer des conseils pertinents en termes d’économies d’énergie, et ce, aux personnes appropriées.

Quiconque réduit sa consommation d’énergie fait des économies. Les personnes soucieuses de la diminuer recourent volontiers aux conseils téléphoniques ou individuels de spécialistes. Les collaboratrices et collaborateurs du centre d’appel du fournisseur d’électricité de la ville de Zurich Ewz mènent ainsi chaque année environ 2600 entretiens de conseil sur le thème de l’efficacité énergétique. À cela s’ajoutent plusieurs centaines d’entretiens individuels pour les clients privés et professionnels. Ces derniers servent ensuite de base pour proposer un bref récapitulatif à différentes branches.

Le conseil énergétique est également réalisable en ligne : en 2014, 40 000 des 180 000 foyers desservis par Ewz ont été invités par courrier postal à s’informer à propos des offres relatives à l’efficacité sur un portail en ligne. 3000 clients ont répondu à l’invitation écrite. «Avec une invitation formulée personnellement, nous sommes parvenus à éveiller l’intérêt pour notre offre en ligne sur le thème de l’efficacité énergétique», explique Marcel Wickart, directeur de l’Ewz-Ressorts Conseil stratégique en énergie et développement. Lorsque des clients sont ouverts à un entretien sur l’énergie, il en résulte souvent des économies considérables. Toutefois, amener les gens à s’y intéresser requiert beaucoup d’efforts. «Ils ne se bousculent pas devant notre porte», regrette-t-il.

Utilisation de données issues de smart meters

Les expériences de la ville de Zurich divisent les conseillers à l’échelle du pays. Il faut par conséquent trouver de nouvelles voies pour que les conseillers énergétiques puissent contacter, sans diffuser trop d’énergie, les personnes chez lesquelles les consultations portent leurs fruits. «Les conseils en énergie doivent être élaborés en fonction des différents foyers pour faire écho auprès des clients. Pour assurer ce contact individuel, les fournisseurs d’énergie ont besoin d’une meilleure connaissance de leurs foyers», déclare le Prof. Thorsten Staake. Celui-ci a étudié l’électrotechnique et soutenu une thèse en gestion des technologies. Il est aujourd’hui professeur d’informatique économique à l’Université de Bamberg (Bavière) et dirige le «Bits to Energy Lab» à l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ) qui étudie, en collaboration avec les Universités de Saint-Gall et de Bamberg, comment promouvoir la consommation énergétique durable par le biais de la conjonction des technologies de l’information et des sciences du comportement.

Au cours d’un projet de recherche de deux ans mandaté par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et terminé depuis peu, l’équipe du Prof. Staake a découvert une nouvelle voie pour améliorer l’effet du conseil énergétique grâce à l’utilisation des données des smart meters (ou compteurs intelligents). Pour cela, les scientifiques ont collaboré avec la société Arbon Energie AG ; le fournisseur d’énergie thurgovien a équipé les 9000 foyers qu’il alimente de compteurs électriques communicants qui transmettent les valeurs relevées au fournisseur d’électricité. Les smart meters (figure 1) livrent actuellement les informations de base pour la facturation de l’électricité, mais ils devraient permettre de nouvelles prestations à l’avenir.

De la consommation à la caractérisation du foyer

Si l’on sait par exemple qu’un foyer a consommé 4250 kWh d’électricité pendant une année, cette quantité laisse supposer que celui-ci comprend plusieurs personnes. Cette consommation annuelle ne permet cependant pas vraiment de tirer d’autres conclusions. La situation est bien différente lorsqu’un foyer est équipé d’un smart meter qui saisit la consommation électrique toutes les quinze minutes et documente donc la consommation électrique du ménage de façon très détaillée (672 données de mesure par semaine, figure 2). Le «profil de charge» ainsi établi, soit la consommation électrique en fonction du temps, peut permettre à un conseiller énergétique expérimenté de tirer de nombreuses conclusions sur le foyer, par exemple sur le nombre de personnes présentes, sur le nombre et l’efficacité des appareils électriques utilisés ou sur la consommation en mode veille.

Au cours de son projet de recherche, l’équipe de l’ETHZ et de l’Université de Bamberg a également analysé des profils de charge, mais de manière automatisée avec des méthodes d’apprentissage automatique (machine learning). L’objectif consistait à se faire une image aussi précise que possible du foyer à partir de son seul profil de charge, sans demander d’informations sur le ménage concerné. Pour réaliser cette tâche de détective, une première étape a été de déduire 94 valeurs numériques à partir de chaque profil de charge hebdomadaire. En ce qui concerne les valeurs numériques, il s’agissait soit de valeurs de consommation (par exemple la consommation hebdomadaire moyenne, la valeur hebdomadaire maximale, la valeur hebdomadaire minimale), soit de rapports entre des valeurs de consommation (par exemple la consommation moyenne du matin par rapport à celle de la mi-journée), soit de relations statistiques entre les valeurs de consommation (par exemple la différence jour-nuit, la variation selon les jours de la semaine) ou encore de valeurs temporelles (par exemple les moments présentant les plus hautes valeurs de consommation).

En soi, ces 94 valeurs numériques ne révélaient encore rien sur le foyer concerné. Pour cela, une seconde étape était nécessaire : les scientifiques ont dû concevoir un programme informatique (algorithme) qui «interprète» les valeurs numériques et en déduit des caractéristiques. Dans la première phase du projet de l’OFEN, les scientifiques ont utilisé les données des smart meters de 3500 foyers irlandais dont les caractéristiques étaient connues suite à une enquête. L’algorithme a été entraîné et testé par le biais d’un processus d’apprentissage automatique sur la base de ces données réelles afin qu’il puisse déduire des rapports entre les valeurs des profils de charge et les caractéristiques des foyers. Il en est ressorti un algorithme en mesure de déduire à partir d’un profil de charge si un foyer présente certaines caractéristiques ou non.

Une fois l’algorithme disponible, il peut (il s’agit là de la troisième étape) être utilisé pour l’évaluation des profils de charge de foyers dont les caractéristiques n’ont pas pu être déterminées sur la base d’enquêtes. Grâce à cet algorithme, le fournisseur d’énergie en apprend beaucoup sur ses clients équipés de compteurs intelligents, sans devoir réaliser de coûteux sondages.

Détermination de caractéristiques des foyers

Les chercheurs collaborant avec Thorsten Staake se sont fixé pour objectif d’obtenir, grâce au profil de charge, le plus d’informations possible sur le foyer qui l’a généré. Ces informations comprennent, par exemple, les réponses à des questions telles que le nombre de personnes vivant dans le foyer (figure 3), si ses habitants cuisinent ou préparent leur eau chaude à l’électricité (figure 4) et si les appareils électriques utilisés sont anciens, moyennement récents ou neufs. Pour obtenir les réponses correspondantes à partir des profils de charge, les scientifiques appliquent l’algorithme autodidacte qu’ils ont développé, entraîné et testé sur des données réelles.

Grâce à cette méthode, les scientifiques peuvent déterminer 22 caractéristiques du foyer à partir du seul profil de charge, sachant que la pertinence varie en fonction des caractéristiques (figure 5). Un exemple : les chercheurs ont réussi à déterminer le type de maison avec une précision de 46% ; ils peuvent donc affirmer correctement pour 46 logements sur 100 s’il s’agit d’un appartement, d’une maison individuelle, d’une maison jumelée ou d’une maison mitoyenne. L’algorithme ne permet donc pas une classification sûre, mais une estimation qui s’avère généralement nettement plus fiable que le pur hasard («Biased random guess» exprimé par les colonnes bleues sur la figure 5). Avec leur algorithme, les chercheurs ont réussi à atteindre une précision supérieure à 70% pour plusieurs caractéristiques : cuisinière, installation photovoltaïque, pompe à chaleur, type de foyer, Internet haut débit par fibre optique (connaissance de la technologie). La précision se situe entre 40 et 70% pour la grande majorité des autres caractéristiques, alors que l’âge des appareils électriques n’a par exemple pu être déterminé qu’avec une précision d’à peine 35%.

Les données supplémentaires améliorent la précision

Afin d’augmenter encore la précision, les chercheurs ont utilisé, outre les profils de charge, d’autres données disponibles publiquement telles que les données météorologiques (par exemple des valeurs relatives à la température, au vent et aux précipitations) pour alimenter leur algorithme. La plus haute précision a souvent pu être atteinte lorsque des informations géographiques (Openstreetmap, Geonames, etc.) ont également été utilisées.

Ces informations supplémentaires ont permis d’améliorer clairement la précision dans la plupart des cas (de 46 à 67% pour la caractéristique «type de maison»). Il est désormais possible de déterminer 11 des 22 caractéristiques avec une précision supérieure à 70%. Mais l’analyse montre également que la précision peut être plus élevée pour certaines caractéristiques du foyer lorsque toutes les données ne sont pas prises en considération. Il est ainsi possible de prédire par exemple avec plus de fiabilité comment un foyer génère l’eau chaude (caractéristique «Eau chaude») lorsque l’on se concentre uniquement sur les données météorologiques et celles du smart meter, sans tenir compte des données géographiques. À une exception près (caractéristique «Anciens appareils électriques»), les scientifiques parviennent toujours à mieux déterminer les caractéristiques d’un foyer que le hasard.

«De notre point de vue, notre algorithme permet de très bien classifier les foyers», affirme le Dr Mariya Sodenkamp de l’Université de Bamberg, responsable du domaine de recherche Data Analytics du Bits to Energy Lab, qui a dirigé le projet de recherche. «Nous ne pouvons certes pas reconnaître toutes les caractéristiques avec la même précision, mais nous sommes à même de reconnaître celles qui sont importantes pour un service de conseil spécifique au client. De plus, nous pouvons souvent déterminer de manière particulièrement fiable les classes distinctes d’une caractéristique.» La méthode de chauffage dans un foyer (caractéristique «Chauffage»), une caractéristique importante pour le conseil en énergie, peut être reconnue par l’algorithme avec une précision de 76%. La question de savoir si un logement est occupé par un locataire ou un propriétaire (caractéristique «Conditions d’habitation», fiabilité de 73%) est également importante pour le service de conseil. Il en est de même pour la question de la présence ou non d’une installation solaire (caractéristique «Installation solaire» fiable à 96%).

Un outil innovant pour les fournisseurs d’énergie

Le grand avantage : l’algorithme «formé» sur la base de 530 foyers desservis par Arbon Energie est en mesure de prédire avec une précision considérable les caractéristiques des quelque 8500 autres foyers Arbon Energie, et ce, uniquement en se basant sur les profils de charge établis à partir des compteurs communicants et les données météorologiques et géographiques accessibles au public. Les fournisseurs d’énergie sont ainsi en mesure de contacter les foyers individuellement par e-mail ou par courrier postal. «Nous examinons cette nouvelle technologie afin de déterminer si nous pourrons l’utiliser dès l’année prochaine pour soumettre par courrier à nos clients des offres sur mesure d’amélioration de l’efficacité énergétique», affirme Silvan Kieber, directeur de la société Arbon Energie AG. Il peut s’agir, par exemple, de conseiller de manière ciblée aux foyers au sein desquels l’algorithme a détecté des appareils trop anciens (figure 6) de remplacer ces derniers. Les scientifiques de l’ETHZ et de l’Université de Bamberg souhaitent déterminer l’efficacité du concept de conseil innovant avec un projet de recherche complémentaire. En cas de succès, un outil également utilisable par d’autres fournisseurs d’énergie pour l’augmentation de l’efficacité des mesures de conseil et d’efficacité énergétiques serait à disposition. Comme les données personnelles des clients sont en jeu, seules les applications conformes aux exigences relatives à la protection des données entrent en ligne de compte.

La nouvelle méthode devrait déjà démontrer son efficacité au cours de cette année. Arbon Energie souhaite en effet appliquer l’algorithme pour le marketing de l’Internet haut débit basé sur la technologie de la fibre optique («Fiber to the home», FTTH, figure 7). L’algorithme permet non seulement de déterminer si les habitants d’un foyer connaissent le FTTH (fiabilité de 93%), mais aussi d’établir leur prédisposition à l’achat (fiabilité de 62%). «Nous avons soutenu le projet des chercheurs de Zurich et de Bamberg en fournissant des efforts considérables et nous sommes à présent heureux de pouvoir utiliser les résultats pour contacter de manière ciblée les clients ouverts à l’Internet haut débit par fibre optique», conclut Silvan Kieber.

Littérature

Autor
Dr. Benedikt Vogel

ist Wissen­schafts­journalist.

  • Dr. Vogel Kommunikation
    DE-10437 Berlin

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